"Interpréter c’est, au sens le plus général et le plus commun du terme, révéler le sens de signes, voire de faits, à partir d’un code et/ou d’une intuition directrice ; mais, dans un sens plus restreint, c’est aussi jouer un rôle ou exécuter une œuvre musicale. Ces deux sens peuvent paraître très distants bien qu’ils impliquent tous deux des opérations relevant du décodage, mais, précisément, interpréter n’est pas seulement décoder.
La réflexion philosophique, amplement requise par la question herméneutique, ne s’est pas souvent interrogée sur l’interprétation théâtrale, problème esthétique et psychologique laissé à la critique littéraire et artistique ou à la théorisation des dramaturges, même si Diderot a traité un aspect capital de la question dans Le Paradoxe sur le comédien, qui continue d’alimenter diverses controverses afférentes à l’art dramatique.
L’interprète est le plus souvent conçu comme médiateur entre le créateur et le spectateur, il est celui qui, grâce à la maîtrise d’un art d’exécution (dramatique ou musical), actualise l’œuvre en l’élevant du stade d’une existence purement virtuelle à celui d’une manifestation particulière et réelle.
Interpréter une œuvre d’art, c’est toujours la faire passer de l’idée à la réalisation, de l’essence à l’existence, c’est donc incarner concrètement ce qui n’existe qu’à l’état de possible dans le texte de la pièce de théâtre, le scénario du film ou la partition musicale.
La notion d’interprétation implique qu’au moment où il l’exécute, l’interprète « accomplisse » l’œuvre, c’est-à-dire qu’il confère une figure concrète particulière aux déterminations qui n’existent que de façon virtuelle et incomplète dans l’ouvrage qu’a conçu le créateur…" (Martine Chifflot, De l'interprétation théâtrale)